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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/208

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fonde, que vous souffrez avec peine qu’on vous arrache de la mélancolie par la gaieté, et qu’au contraire vous retombez avec une sorte de plaisir, de la gaieté dans la mélancolie.

Quoique vous ne soyez pas toujours mélancolique, vous êtes sans cesse pénétrée d’un sentiment plus triste encore ; c’est le dégoût de la vie : ce dégoût vous quitte si peu, que si même dans un moment de gaieté on vous proposait de mourir, vous y consentiriez sans peine. Ce sentiment continu tient à l’impression vive et profonde que vos chagrins vous ont laissée ; vos affections même, et l’espèce de passion que vous y mettez, ne la détruisent pas ; on voit que la douleur, si je puis parler de la sorte, vous a nourrie, et que les affections ne font que vous consoler.

Ce n’est pas seulement par vos agréments et par votre esprit que vous plaisez généralement, c’est encore par votre caractère. Quoique vous sentiez bien les ridicules, personne n’est plus éloigné que vous d’en donner ; vous abhorrez la méchanceté et la satire : vous ne haïssez personne, si ce n’est peut-être une seule femme, qui à la vérité a bien fait tout ce qu’il fallait pour être haïe de vous ; encore votre haine pour elle n’est-elle pas active, quoique la sienne à votre égard le soit jusqu’au ridicule et jusqu’à un excès qui rend cette femme très malheureuse.

Vous avez une autre qualité très rare, et surtout dans une femme ; vous n’êtes nullement envieuse : vous rendez justice avec la satisfaction la plus vraie aux agréments et aux bonnes qualités de toutes les