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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/30

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y trouver, avec le recueil des plus belles pensées des saints, tout ce qu’on peut désirer pour l’édification, pour l’instruction et pour la consolation des fidèles. »

Tant d’excellentes pages cependant et tant de pieuses annotations cachaient le poison janséniste.

Les jésuites eurent d’abord des scrupules et des doutes, la discussion anima leur zèle. La question fut portée à Rome. On s’y partagea comme à Paris. La décision sans appel de la bulle Unigenitus ordonna enfin, en 1713, la soumission et le silence aux esprits les plus orgueilleux et les plus tenaces qui furent jamais. Un livre édifiant et orthodoxe pendant quarante ans était interdit. Les maximes et les conseils que les jésuites eux-mêmes avaient eus en vénération devenaient, sur leur insistance, dangereux et impies. On condamnait cent une propositions d’autant plus coupables que le venin y était plus caché.

Il l’était extrêmement, et beaucoup de fidèles, une grande partie même du clergé, habitués à en nourrir leur esprit, refusèrent de changer de régime. La guerre fut déclarée et troubla la France pendant plus d’un demi-siècle. Quarante ans après la publication de la bulle, le nombre des lettres de cachet lancées à son occasion dépassait quarante mille. Du haut en bas, la société était divisée. On était appelant ou non appelant ; les plus ardents étaient réappelants ; les non communiquants refusaient toute relation avec les approbateurs de la bulle. Le silence respectueux était blâmé de tous, le mépris prodigué à ceux qui