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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/62

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Si cela était vrai, répond d’Alembert, il faudrait laisser chacun libre. « Chacun, comme dit Pantagruel, serait arbitre de ses propres pensées et de soy-même prendrait conseil » ; mais le chiffre est exagéré. Les précautions chaque jour mieux connues ont rendu le nombre des victimes dix fois moindre et pourront le réduire encore.

Sans insister sur ces chiffres douteux, la thèse qu’il soutient est celle-ci :

L’évaluation de la vie moyenne n’a pour une telle question rien qui soit décisif. Il n’est pas vrai que, la vie moyenne étant supposée, par exemple, de vingt-cinq ans pour les hommes de trente ans bien portants, toute innovation qui la portera à vingt-sept ans doive être acceptée comme un avantage.

Supposons, pour écarter toute hésitation, que la petite vérole soit la seule maladie mortelle ; on sait guérir toutes les autres ; quiconque ne meurt pas de celle-là atteindra l’âge de cent ans. Les ravages de cette maladie unique sont cependant terribles ; ils réduisent de quatre-vingts ans à soixante la vie moyenne d’un homme de vingt ans. L’inoculation — c’est l’hypothèse — fait mourir, le lendemain du jour où elle est pratiquée, le cinquième de ceux qui s’y exposent. La vie moyenne, si tous se font inoculer à vingt ans, s’élèvera — le calcul est facile — de soixante ans à soixante-quatre. Qui oserait cependant, dans de telles conditions, je ne dis pas conseiller, mais pratiquer l’opération ? Quel médecin consentirait à se présenter dans une ville, offrant à mille habitants