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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/75

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pas à nous égaler ? Helvétius a fait l’objection et trouvé la réponse. Les animaux n’ont pas de mains.

L’idée du moi est la première. La première chose que nos sensations nous apprennent, c’est notre existence. Les sensations sont-elles indispensables ? Pourrait-on concevoir un être intelligent dépourvu, faute de sensations, du sentiment de sa propre existence ?

Après avoir connu notre propre existence, nous devons à nos sensations la connaissance des objets extérieurs et, parmi eux, celle de notre corps ; un sentiment irrésistible nous fait croire à la réalité de ces objets. D’Alembert, à l’appui de cette idée, propose un singulier argument.

N’ayant aucun rapport, dit-il, entre chaque sensation et l’objet qui l’occasionne ou du moins auquel nous le rapportons, il ne paraît pas qu’on puisse prouver par le raisonnement de passage possible de l’un à l’autre. Il n’y a qu’une espèce d’instinct plus sûr que la raison même qui puisse nous forcer à franchir un si grand intervalle.

N’est-on pas tenté de traduire ainsi : la croyance à la réalité des objets extérieurs n’est pas justifiable par la raison ; elle n’en est que plus certaine ?

Toutes les routes conduisent d’Alembert au scepticisme. Il ne lui semble pas qu’on puisse avoir d’idée distincte, moins encore d’idée complète ni de la matière ni d’autre chose. « Quand je me perds dans mes réflexions à ce sujet, écrivait-il vingt ans plus tard, ce qui m’arrive toutes les fois que j’y pense, je suis