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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/77

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semblables, produit en nous la connaissance réfléchie des vertus opposées, connaissance précieuse dont une union et une égalité parfaite nous auraient peut-être privés. De l’idée de vertu l’homme s’élève à comprendre la spiritualité de l’âme, l’existence de Dieu et nos devoirs envers lui. »

Malgré l’intérêt de ces hautes vérités, il ne faut pas, comme on l’a dit plaisamment, que le corps soit la dupe de l’immortalité de l’âme.

Telle est l’origine de l’agriculture, de la médecine et des arts nécessaires. Avides de connaissances utiles, les premiers hommes ont dû écarter d’abord toute spéculation oisive ; mais l’étude de la nature entreprise pour nous donner le nécessaire fournit avec profusion à nos plaisirs. La satisfaction d’apprendre des vérités même inutiles est une espèce de superflu qui supplée à ce qui nous manque. En recueillant ce superflu pour goûter l’amusement qui s’y attache, l’esprit humain rencontre la physique et la mécanique, et l’abstraction des propriétés sensibles autres que l’étendue fait naître la géométrie.

Cette science est le terme le plus éloigné où la contemplation des propriétés de la matière puisse nous conduire, et nous ne pourrions aller plus loin sans sortir de l’univers matériel ; mais telle est la marche de l’esprit dans ses recherches, qu’après avoir généralisé les perceptions, il revient sur ses pas, recompose de nouveau les perceptions mêmes, et en forme peu à peu et par gradation des êtres réels qui sont l’objet immédiat et direct de nos sensations.