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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/85

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coup de courage pour combattre les préjugés les plus généralement reçus et aucune espèce de dépendance qui le forçat à les ménager. Aussi éprouva-t-il, de son vivant même, ce qui arrive, pour l’ordinaire, à tout homme qui prend un ascendant trop marqué sur les autres, il fit quelques enthousiastes et eut beaucoup d’ennemis. Soit qu’il connût sa nation, soit qu’il s’en défiât seulement, il s’était réfugié dans un pays entièrement libre pour y méditer plus à son aise. Quoiqu’il pensât beaucoup moins à faire des disciples qu’à les mériter, la persécution alla le chercher dans sa retraite, et la vie cachée qu’il menait ne put l’y soustraire. Malgré toute la sagacité qu’il avait employée pour prouver l’existence de Dieu, il fut accusé de la nier par des ministres qui, peut-être, n’y croyaient pas. Tourmenté et calomnié par des étrangers et assez mal accueilli par ses compatriotes, il alla mourir en Suède, bien éloigné sans doute à s’attendre au succès brillant que ses opinions eurent un jour.

« On peut considérer Descartes comme géomètre ou comme philosophe. Les mathématiques, dont il semble avoir fait assez peu de cas, font néanmoins aujourd’hui la partie la plus solide et la moins contestée de sa gloire. La géométrie, qui, par sa nature, doit toujours gagner sans perdre, ne pouvait manquer, étant maniée par un si grand génie, de faire des progrès très sensibles et apparents pour tout le monde. La philosophie se trouvait dans un état très différent. Tout y était à commencer ; et que ne coû-