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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/89

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signalaient d’étranges. Diderot y introduisait jusqu’à de longs articles extraits de la Cuisinière bourgeoise. L’article Agneau a trente-cinq lignes :

« Tout ce qui se mange de l’agneau est délicat. On met la tête et les pieds en potage, on les échaude, on les assaisonne avec le petit lard, le sel, le poivre, les clous de girofle et les fines herbes ; on frit la cervelle après l’avoir bien saupoudrée de mie de pain.... »

Bonne ou mauvaise, et je la crois mauvaise, cette cuisine n’est pas à sa place.

L’article Genève, écrit par d’Alembert, a plus qu’un autre attiré l’attention. Le consistoire calviniste de la petite république y est loué d’accepter, sans l’avouer publiquement, un socinianisme parfait. Les sociniens, personne ne l’ignorait alors, feignant d’être chrétiens, ne croient ni au paradis ni à l’enfer. Pour les orthodoxes, ils méritent le bûcher. En les tolérant — c’était l’opinion de Bossuet —, on franchirait toutes les bornes. Sociniens ou non, les pasteurs protestaient avec violence, et J.-J. Rousseau, sans se soucier du fond, qu’il déclarait ne pas connaître, combattit la prétention de faire sans leur aveu la confession publique de leurs sentiments secrets. La thèse était juste, l’argumentation facile, et Jean-Jacques se donna le plaisir de la développer dans quelques pages irréfutables. Mais la lettre célèbre adressée à d’Alembert traite une question beaucoup moins simple. D’Alembert avait écrit :

« On ne souffre pas à Genève de comédie ; ce n’est