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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/141

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les païens exaspérés d’une telle audace. Ils n’avaient pas encore eu le temps de se ressaisir que déjà le convoi était aux portes du cimetière. Là, il fut arrêté sur le seuil par Jacques, qui, en sa qualité de diacre, avait la direction du clergé et du cimetière de Cirta. Au mépris de ses services et de ses blessures reçues pour la foi, les fanatiques, sous la conduite de Paulus, le bousculèrent et passèrent outre. Ils s’acheminaient vers la cella où un sarcophage tout préparé attendait le cadavre, lorsque les orthodoxes massés autour du bâtiment tentèrent de leur barrer le passage. On en vint aux mains. L’échauffourée se prolongeant et menaçant de tourner à l’émeute, la police dut intervenir. Mais les forces dont pouvaient disposer les magistrats municipaux se trouvèrent trop faibles : ils furent obligés de recourir aux pompiers de la ville pour disperser les combattants.

Cependant, comme il fallait bien enterrer ce cadavre abandonné sur son brancard et qu’un sarcophage était tout prêt dans la cella, on y déposa le corps de Privatianus. Ainsi Paulus triomphait, avec l’appui apparent de l’autorité. Cela ne lui suffit pas. Huit jours plus tard, il s’avisa de célébrer une agape funéraire sur la tombe du martyr. Après avoir distribué la sportule à une foule de miséreux, il convoqua pour le soir même les principaux meneurs de sa faction à un repas aux flambeaux qui devait se donner à ses frais dans la cella du cimetière.

Cette cella était une chapelle en forme de trèfle, fort somptueusement construite et aménagée, comme toutes les bâtisses appartenant à l’église de Cirta. À l’entrée, dans le vestibule, il y avait un autel pour le Banquet dominical, et, de chaque côté, dans les deux absides latérales, des sépultures de martyrs. Celle du centre était un triclinium avec un hémicycle massif en maçonnerie, dont les bords s’abaissaient comme ceux des lits de salle à manger. Dès la veille, Paulus l’avait fait garnir de couvertures, de coussins, d’oreillers et de tapis. Des piles de serviettes, des vêtements de table s’entassaient sur les