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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/146

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quelques clercs de Cirta. Une foule d’autres réussirent à se cacher dans les nombreuses fermes qu’il possédait un peu partout en Numidie. De nouveau, il s’agissait de sauver l’avenir.

Le présent devenait, chaque jour, plus épouvantable. Si nombre de chrétiens se montrèrent pusillanimes, les païens, en général, furent ignobles. Comme aux temps de Dèce, Cécilius atterré assistait à la débandade du troupeau. Celui-ci était littéralement terrorisé par les fureurs de l’adversaire. Avec la complicité des magistrats, les vengeances de quartier, de palier et d’étage s’assouvissaient librement entre gens du peuple. Ayant pour eux l’avantage du nombre, les païens en profitaient pour assommer l’ennemi à coups de matraques et à coups de pierre. On lapidait et on brûlait couramment dans les rues de la ville et dans les campagnes. On poussait les victimes dûment ligotées sur des tas de bois et de chiffons arrosés d’huile et on y mettait le feu. Un prêtre roué de coups et lapidé fut laissé pour mort sur le terrain. Par excès de zèle (car, selon le décret, les clercs seuls étaient tenus de sacrifier), des maris y contraignaient leurs femmes, les traînaient aux temples, et, leur tenant la main, les forçaient à jeter quelques grains d’encens sur les brasiers des autels. On racontait qu’une nourrice païenne avait étouffé un enfant chrétien, en lui bourrant la bouche de pain trempé dans du vin qui venait d’être consacré aux idoles.

Un matin, des processions et des cérémonies lustrales se déployèrent par toute la ville. Pieds nus, bannières en tête, des confréries païennes firent le tour des remparts en chantant des hymnes. Des prières et des sacrifices publics étaient officiellement ordonnés afin de purifier l’Empire de l’impiété chrétienne, à la veille de l’expédition que Valérien Auguste projetait contre les Perses. Ce jour-là, Cécilius, en traversant le forum, aperçut devant le temple de Saturne, parmi tout un attirail de marmites et de chaudières fumantes, des victimaires