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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/284

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C’était Cécilius en effet. Il se trouvait depuis deux jours à peine à Sigus, et, pour son début sur le chantier, il jouait de malheur. Non sans intention, Rufus, le préfet des camps, l’avait condamné aux travaux forcés dans sa propre mine. Le maître était devenu esclave sur son domaine. Convaincu qu’un homme de cet âge ne pourrait pas supporter longtemps une telle existence, le préfet comptait fermement sur sa rétractation toute prochaine. Il avait donné l’ordre au procurateur de le faire surveiller, de profiter de ses moindres défaillances pour en obtenir le désaveu de sa conduite et de ses propos. De là, les égards que Théodore témoignait au forçat. L’autorité s’intéressait à lui, et, demain peut-être, il pouvait reprendre son rang. C’est pourquoi le Syrien avait veillé à ce qu’on ne lui imposât, du moins au début, que les tâches les moins pénibles. On se bornerait d’abord à l’effrayer par la menace que sa condition deviendrait pire s’il s’obstinait ; on le dompterait petit à petit par les rigueurs de la discipline et du métier. Pour commencer, on lui avait rasé la moitié de la tête en différant de le marquer au front, et on l’avait ferré de nouveau. Outre la chaîne qu’il portait aux jambes, on lui en avait rivé une autre, mobile, qui partait de la cheville et se rattachait à sa ceinture, de telle façon que le prisonnier ne pût jamais redresser sa taille. Enfin, par une autre chaîne mobile, on l’avait accouplé avec un condamné de droit commun : un Italien sournois et renfrogné, un savetier de Réate qui, étant ivre, avait coupé la gorge à un voisin, à coups de tranchet.

Depuis Lambèse, Cécilius était séparé de ses compagnons de Cirta, Jacques et Marien, incarcérés au prætorium, en attendant leur supplice. Quant à Flavien de Tigisi, venu avec lui jusqu’à Sigus, il avait dû descendre dans la mine avec tout un contingent de forçats récemment arrivés de Palestine. Lui, Cécilius, il échappait, du moins pour l’instant, à l’horreur de la geôle souterraine. La lumière du soleil lui restait. C’était presque une joie.