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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/291

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palement un oued torrentueux dont on se proposait de détourner le cours.

Quand l’équipe où était Cécilius parvint au bord de l’oued, on ôta leurs chaînes aux manœuvres, celles qui les attachaient deux à deux, et ils regardèrent la montagne comme les prisonniers regardent le mur de leur prison. Dentelée au sommet, toute hérissée de pics et d’aiguilles, elle étageait très haut ses escarpements sablonneux où çà et là seulement quelques bouquets de pins rabougris, des chênes-verts poussiéreux, avaient réussi à prendre racine. Le long des pentes, comme des files grouillantes de fourmis, des hommes échelonnés se passaient de main en main des matériaux de toute sorte, jusqu’à l’endroit où l’on élevait le réservoir. Plus haut, sur la ligne des crêtes, on perçait une série de roches tabulaires par où devaient passer les tuyaux de canalisation. Les carriers, suspendus à des cordes, plantaient des pieux dans les anfractuosités des murailles rocheuses ou attaquaient le calcaire avec la barre à forer. Balancés au-dessus des précipices, ils avaient l’air de gros oiseaux de proie décrivant des cercles dans l’air. De là-haut, ils apercevaient sous eux, à mi-hauteur, sur une espèce de terrasse oblongue, un monde de maçons et de terrassiers qui s’affairaient autour du bassin en construction.

Malgré le gonflement de ses articulations, Cécilius, aidé par l’Italien, dut escalader les pentes rapides et glissantes de la montagne pour prendre sa place dans la file des travailleurs. Par des sentiers de chèvres, ils s’accrochaient aux ronces, se hissaient jusqu’à une pierre ou une racine en saillie. Ils utilisaient, pour s’y blottir, les moindres accidents de terrain. Cécilius eut beaucoup de peine à trouver une sorte d’échelon naturel où poser solidement ses pieds, à distance à peu près égale de l’homme qui était au-dessous de lui et de celui qui venait immédiatement au-dessus. Il s’y installa avec précaution, dans la crainte de faire ébouler la terre et il ne bougea plus. Alors commença pour lui une torture non encore éprou-