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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/313

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contre la paroi, puis sept, à des intervalles plus rapprochés. Ces nombres mystiques précisaient le signe de ralliement qui se propageait d’un bout à l’autre des galeries. Alors un murmure d’oraison emplissait toute la mine. Mais voilà que, depuis longtemps, les mineurs du chantier d’Hermotime n’avaient plus rien entendu. Ils s’en affligeaient comme s’ils étaient décidément retranchés de tout commerce humain. Leurs corps s’affaiblissaient de plus en plus. Les poisons de l’air vicié par les fumées des torches et des lampes, les exhalaisons délétères du sol, décomposaient leur sang. Cécilius s’effrayait de plus en plus à l’idée que ses nerfs pouvaient le trahir. Ses plaies anciennes se ravivaient. Il murmurait tout bas :

« Ah ! que l’épreuve est longue ! Seigneur, quand viendra le terme ? »

Malgré Nartzal et Flavien, qui s’efforçaient de résister, un abattement morne les gagnait l’un après l’autre. Jader même, d’habitude si ferme, avait des moments de faiblesse. Une nuit, après une traite de labeur harassant, les misérables crièrent véritablement « du fond de l’abîme ». Bos évoquait sa femme, son enfant si beau, qui avait, disait-il, des yeux resplendissants comme deux étoiles. Célérinus divaguait, parlant de sa petite maison dans le faubourg d’Utique. Jader revoyait son logis près des Mappales, — l’écurie, la grange tout odorante de foin. Il se disait : « Qui aura racheté les mulets ?… et le petit cheval maurétanien ?… » Pour tous, ç’avait été une vie si tranquille, si douce !… Cécilius, songeant à la sienne, prononça avec un accent de détresse infinie :

« Christ, aide-nous !

— Pourquoi vous désoler ? dit Nartzal : le Seigneur va venir. »

Finalement, avant de chanter le psaume nocturne, ils battirent le rappel contre la paroi. Ils collèrent anxieusement leurs oreilles contre le sol… Aucune réponse. Un silence insondable, coupé de temps en temps par la chute d’une gouttelette, la fuite d’un rat, un frôlement léger