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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/317

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se pressent autour de l’abreuvoir. À chaque fois, il disait :

«  Calix Christi ! Calix salutis !… Voici la coupe du Christ ! Voici le calice salutaire ! »

L’accent de ses paroles leur conférait un éclat si radieux de vérité que les pauvres hommes, ne pouvant supporter l’illumination soudaine d’une telle évidence, éclatèrent en sanglots. Mais déjà le prêtre, s’étant retourné vers le fond de la crypte, rangeait les linges et les vases sacrés. Agenouillés, prosternés, la figure contre terre, les mineurs s’abîmaient dans une longue action de grâces.

Brusquement un tumulte s’éleva le long de la galerie, des clameurs, des bruits de chaînes entrechoquées, tout un piétinement d’hommes en marches. C’était une équipe sans doute qui, escortée par des surveillants et des soldats de la chiourme, se transportait à un chantier voisin. Affolés à la pensée d’être découverts, les mineurs coururent en hâte à l’entrée de la crypte. Mais la colonne passa sans s’arrêter dans des tourbillons de poussière. Quand ils rentrèrent, le prêtre avait disparu, sans qu’ils pussent s’expliquer par quelle issue il s’était enfui. Ils s’approchèrent de la niche. Plus rien, la fiole de cristal, le calice, la nappe éblouissante avaient été emportés par le mystérieux voyageur.

Dans le même moment, Mappalicus entra, pliant le dos sous son bissac, sa figure ayant l’expression placide et résignée qui lui était habituelle. Nartzal s’élança au-devant de lui, en l’apercevant :

« Tu as vu le prêtre, n’est-ce pas ?… demanda-t-il, c’est toi qui nous l’a envoyé ?

– Quel prêtre ? » fit Mappalicus, déconcerté.

Il n’en avait vu aucun, il n’avait envoyé personne. Il ne savait pas ce que cela voulait dire. Et déjà il s’effrayait à la pensée qu’un chrétien du dehors avait pu s’introduire dans la mine malgré la surveillance si rigoureuse.