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le débutant

son pupitre sans ajouter un mot, jugeant inutile d’essayer de réfuter un pareil argument. Il en serait de même, du reste, pour son livre. Son chef le lirait avec plaisir, ce qui ne l’empêcherait pas d’en dire le plus de mal possible dans un article tout fulminant d’indignation. Quant à lui, il n’avait qu’un parti à prendre : donner sa démission, ce qu’il fit le jour même.

La maison Hoffman se chargea de l’impression du roman de Mirot. Le jeune auteur ayant fait les avances nécessaires, les douze cents exemplaires de son livre lui furent livrés au bout d’un mois, vers le quinze décembre.

Comme on s’y attendait, ce livre donna lieu à de nombreuses polémiques dans les journaux. La critique du rédacteur en chef de L’Éteignoir dépassa les espérances de Mirot. On n’eut pas traité avec plus de mépris le dernier voyou de la rue. Solyme Lafarce, dans le Populiste, trouva des mots magiques pour foudroyer l’audacieux écrivailleur. Quant à Pierre Ledoux, si justement surnommé La Pucelle, dans La Fleur de Lys, il demanda, ni plus ni moins, aux pouvoirs publics de faire un exemple, de punir de la façon la plus sévère, cet insulteur de nos traditions les plus sacrées, de l’expulser, sinon du pays, au moins de la province de Québec. Cette province, peuplée des descendants du grand Saint-Louis, du bon Saint-Louis, si pieux et si impitoyable pour les hérétiques qu’il rêva d’allumer des bûchers par tout le royaume de France, appartenait par conséquent à l’Église, au Pape, et il convenait de venger le Souverain Pontife et notre sainte religion. Pour une intelligence se prétendant inspirée du Très Haut, comme celle de Pierre Ledoux, les contradictions n’avaient pas la moindre importance, pas plus que les arguments

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