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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/239

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le débutant

me Laperle, mais ce fut inutile.

Elle mourut dans la nuit du treize février. Paul Mirot était seul auprès d’elle à ce moment suprême. Simone qui, depuis la veille, ne paraissait avoir conscience de rien de ce qui se passait autour d’elle, fit entendre une faible plainte. Le jeune homme se précipita vers la malade qui le cherchait du regard. Elle lui fit signe de se pencher, de la prendre. Il essaya de la soulever un peu. Alors elle s’accrocha désespérément à lui, en articulant péniblement ces dernières paroles : « Je ne peux pas… je ne peux pas te quitter… je t’aime !

Puis, son étreinte se desserra, sa tête retomba en arrière, et Paul Mirot vit passer dans ses yeux grands ouverts, toute son âme qu’elle lui donnait. C’était la fin. Son œil se voila, ses membres se raidirent, un dernier soubresaut l’agita, telle la perdrix que Mirot avait tuée un soir d’automne, expirant, à la lisière du bois, dans le chaume que dorait le crépuscule. Cette pensée, plus amère que la mort, lui vint à cette minute terrifiante, que c’était encore lui le meurtrier.

Fou de douleur, il tenta de la ranimer, palpant ce corps qu’il avait si souvent tenu dans ses bras, y cherchant un peu de vie, un peu de chaleur, baisant ces lèvres déjà froides qu’il essayait de réchauffer sur sa bouche. Il lui parla de leur bonheur passé, il lui jura qu’elle seule avait enchanté sa vie et l’enchanterait toujours. Protestations inutiles et tentatives vaines. Les yeux vitreux de la morte le fixaient, impassibles. C’en était trop, après tant de fatigues et d’angoisses. Il sentit un cercle de fer lui enserrer le front, des choses confuses passèrent devant ses yeux, et une sensation de vide, de néant l’envahit. Il ne souffrit plus, il ne pensa plus, il ne sentit plus, il s’affaissa sur le cadavre qu’il avait tenté de ressusciter.

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