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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/37

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le débutant

prenait tout son empire sur lui-même et sa physionomie s’éclairait de bienveillance. Il se rappelait que naguère, il avait passé par où passait en ce moment son jeune solliciteur. Quand il eut fini cette lecture, ce fut d’un ton tout-à-fait amical qu’il lui dit :

— Je vous reconnais maintenant. Vous êtes Paul Mirot, l’ami de Jacques Vaillant. Je vous ai rencontré aux sucres à Mamelmont, il y a un mois à peine ?

— C’est bien cela, monsieur. Je croyais retrouver ici mon ami Vaillant ; mais on m’a dit qu’il était absent.

— Il est parti, ce matin, par le premier train, pour Sainte-Marie Immaculée, une nouvelle paroisse dans le nord, où l’on inaugure une chapelle, il va nous revenir sanctifié, abruti et plein de puces. Car il y a, paraît-il, beaucoup de sable dans ce pays là ; et, vous savez, sans doute, que là où il y a du sable, il y a des puces. Ces petits voyages de désagrément, ce n’est pas ce qu’il y a de pis pour un journaliste avide de se renseigner sur les mœurs canadiennes… mais, parlons de vous. Vous voulez absolument faire du journalisme ?

— C’est mon plus grand désir, monsieur.

— Eh bien ! vous avez tort.

— C’est si beau, renseigner le public !

— Le public, on l’exploite au profit des autres, de ceux qui ont intérêt à le tromper.

— Cependant, monsieur le député Vaillant…

— Oui, je sais. Monsieur le député Vaillant peut être de bonne foi, il n’a jamais fait de journalisme lui, il ne connaît pas les dessous de notre métier. Il est mandataire du peuple, par conséquent esclave de l’opinion, mais son esclavage vaut encore mieux que le nôtre. Dans sa lettre, il me parle de vous, de votre oncle Batèche, un de ses fidèles partisans de la pa-

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