Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
le débutant

nalistes n’ont rien de tout cela. Ils vont même à pied quand il y a des barbiers et des garçons de buvette qui se prélassent en automobile. Et je me demande parfois, si cela n’est pas juste, s’il n’y a pas moins de mal à abrutir les gens avec des alcools, s’il n’est pas moins inhumain de leur écorcher la figure avec un rasoir, que de leur imposer la lecture de journaux destinés à les tromper et à fausser leur jugement ?

— Tout ce que vous dites là me paraît si étrange que je ne sais vraiment que faire.

— Prenez le premier train et retournez à la campagne. Vous pourrez réfléchir tout à votre aise en respirant l’air vivifiant et pur passant sur les prairies parfumées de trèfle que le soleil printanier baigne de sa lumière blonde. Peut-être que le charme de la nature renaissante et féconde vous donnera l’idée de vous faire agriculteur. C’est ce que je regrette, moi, de n’avoir pu vivre loin de la ville, d’une existence faite de calme et de joie saine, les pieds dans la verdure, le front levé vers le ciel bleu. Les odeurs qui montent de la terre que le soleil caresse, valent mieux que la poussière des salles de rédaction. Ici. c’est l’esclavage ; là-bas, c’est la liberté. À vous de choisir.

— Vous avez sans doute raison ; peut-être retournerai-je à Mamelmont, ce soir. Mais, si je restais, quand même ?

— Dans ce cas, revenez demain matin, à neuf heures, je tâcherai de vous employer à quelque chose.

Après avoir remercié le directeur du Populiste de l’intérêt qu’il avait bien voulu lui témoigner. Paul Mirot s’en alla au hasard, par les rues de la ville, ne sachant que penser de ce qu’il venait d’entendre, songeant à l’avenir qui lui apparaissait maintenant rempli de mystères et de dangers. Rue Saint-Laurent, des marchands juifs, à la porte de leurs boutiques,

40