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le débutant

Moé, voyez-vous, j’aime qu’on s’casse un peu la gueule !

— Et le Théâtre Moderne qu’en pensez-vous ?

Parlez-moé-z’en-pas. Yuinque des simagrées dans les salons ; des pincées en robes de soie qui trompent leurs maris et font des magnières ; des hommes qui font des grands discours, comme à la Chambre.

— Ainsi, on n’aura pas le plaisir de vous voir à l’ouverture de la saison de ce théâtre, lundi prochain ?

— P’tête ben !

— On annonce une nouvelle troupe française, épatante !

— Moé, vous savez, j’aime pas beaucoup les français ; y sont trop cochons et pas assez catholiques. Si j’me décide, ça s’ra pour faire plaisir à madame Laperle, qui m’a dit hier soir, chez mon ami Boissec, qu’elle y s’rait. À m’déplaît pas, la petite veuve.

Quelqu’un l’ayant interpellé au passage, le député Poirier quitta les deux reporters, sans plus de cérémonie. Quand il se fut éloigné, Paul Mirot fit cette réflexion :

— Quel drôle d’individu !

Son ami jugea opportun de le renseigner sur la beauté morale de cet homme important :

— Écoute, je vais te le présenter mieux que tout à l’heure : Prudent Poirier, député de la division de Sainte-Cunégonde à la législature provinciale, riche industriel dans les conserves alimentaires qu’il falsifie abominablement, ignorant, crétin, et populaire, courant toutes les femmes dont il peut acheter les faveurs et traitant les français de cochons ; brave homme, ne manquant jamais de faire ses Pâques et volant tout le monde, faisant travailler ses ouvriers comme des bêtes de somme et leur payant des salaires de misère.

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