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Page:Bibaud - Histoire du Canada et des Canadiens sous la domination anglaise, Vol 2, 1844.djvu/357

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aux autres juges, ou « à qui il appartenait », mais du banc même, audience tenante, se reprochant hautement de ne s’être pas mis plutôt au fait de l’état des choses, ou de la teneur de la loi, blâmant indirectement ses collègues, « à la sagesse et à l’expérience desquels il s’était fié, ainsi qu’à la connaissance intime qu’ils devaient avoir des lois de la colonie », et inculpant directement la conduite du lieutenant-gouverneur, comme étant « en contradiction directe à deux statuts britanniques, dont l’un déclare clairement qu’il a été prouvé que des fonctionnaires absents résidant en Angleterre vendent souvent les profits ou émolumens de leurs offices au plus haut enchérisseur, sans aucun égard au caractère et aux fins de la justice[1] ». Or le lieutenant-gouverneur avait accordé, de son autorité privée, au juge en chef de la province, un congé d’absence, que d’après les statuts, il ne pouvait accorder « qu’en vertu d’un ordre en conseil ».

Cela dit, et autres choses encore, le juge Willis prit ses livres sous son bras, dit le rapport, et descendit du banc, en déclarant de nouveau qu’il regrettait d’avoir siégé à cette cour, et en protestant qu’il n’y siégerait plus[2]. Le juge Sherwood, qui avait siégé, ou avait été sur le banc avec le juge Willis, ne voulut pas déci-

  1. Les Haut-Canadiens en étaient-ils encore où en étaient nos ancêtres sous le général Murray ?
  2. Un cas analogue eut lieu à Québec, dans l’automne de 1827. Un lieutenant-colonel de milice, qui avait présidé pendant deux ou trois jours, une cour martiale, « tenue pour le procès des miliciens de son bataillon qui avaient négligé leurs devoirs », se mit subitement dans la tête, sans doute après la lecture de quelque article de gazette, que les lois d’après lesquelles il avait jugé n’étaient pas en force, ou que la cour à laquelle il présidait n’était pas légalement constituée, et fit à peu près comme fit, l’année suivante, le juge Willis. Il fut destitué plus tard, non pour ce fait, que le gouverneur voulut bien regarder comme un simple « malentendu » ; mais, « pour s’être permis de déclarer des opinions, et de se servir d’expressions les plus injurieuses à son égard personnellement, et cela ouvertement et en public ».