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Page:Bibaud - Les fiancés de St-Eustache, 1910.djvu/149

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LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE

sent, je tremble, s’il allait mourir. Lucienne, comprenez-vous, le père de mon enfant mourir.

Lucienne tressaillit, un fer rouge venait aussi de brûler son cœur, l’épouse, la fiancée, la veille du combat, ne sont-elles pas toutes deux aussi à plaindre ?

Ah ! quand donc l’homme assagi comprendra-t-il toute l’horreur de la guerre ? quand donc enfin, véritablement chrétien sera-t-il juste pour autrui, comme il veut qu’on le soit pour lui ? quand donc le plus fort aura-t-il conscience du devoir qu’il a envers le plus faible ? quand donc la tyrannie humaine sera-t-elle changée en ce bon vouloir avec lequel tous les différends pourraient être réglés à l’amiable, sans qu’il soit nécessaire de répandre une goutte de sang ? À quoi aboutissent tous les progrès des siècles si l’on ne parvient à arracher du cœur de l’homme cette horrible sauvagerie de s’entre-tuer ? On se trouve civilisé et dans les guerres modernes se renouvellent, comme dans les temps barbares, les cruautés, les vandalismes du moyen-âge. Quels remords les souverains, les ministres des nations, ne doivent-ils pas éprouver devant les destructions, les malheurs dont leurs haines, leurs ambitions sans bornes, sont causes !


XIX


La chambre est noyée dans des rayons rouges assoupissants, où des vapeurs de rêves et