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Page:Bibaud - Les fiancés de St-Eustache, 1910.djvu/39

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En cet instant monsieur Aubry entra avec Pierre.

— Monsieur Dugal, dit-il en le présentant à l’institutrice. Ce jeune monsieur connaissant parfaitement la langue anglaise veut bien se charger de l’enseigner à ces enfants. Mon fils et ma fille étant plus avancés que ma nièce, continua-t-il, je vous demanderai, monsieur Dugal, de donner la leçon de Lucienne en dernier, cette petite fille a peu de talent, elle ne veut pas apprendre, elle donnerait des distractions inutiles aux deux autres.

Un vif incarnat couvrit soudain les jours pâles de la fillette, un éclair jaillit de son bel œil noir, son regard, tel que celui d’une gazelle effrayée se fixa sur le nouveau venu avec inquiétude. Qui était-il ? aurait-elle à souffrir là encore ?

Son âme s’angoissait souvent parce qu’elle appartenait à ce contingent d’êtres humains dont toutes les fibres vibrent au moindre souffle, dont les impressions se colorent des teintes les plus imperceptibles. Ils possèdent un certain fluide magnétique qui attire l’ami en repoussant le faux ; au premier abord ils sentent, soit un besoin de fraternel épanchement, soit un mouvement de répulsion instinctive, selon les natures qu’ils rencontrent, jamais ils ne se trompent. S’ils n’agissent d’après leur première impression, ils regrettent sans cesse de