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Page:Bibaud - Les fiancés de St-Eustache, 1910.djvu/54

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qui le brûlait, entra dans un hôtel pour y prendre quelques rafraîchissements.

Plusieurs consommateurs attablés discutaient vivement la conduite du gouvernement ; les opinions étaient chaudement énoncées ; le mécontentement, grondant sourdement dans le cœur des Canadiens, grandissait de jour en jour. L’indifférence avec laquelle on recevait leurs plaintes accumulait au fond de leur âme, une haine qui bientôt devait se manifester au dehors d’une manière énergique.

Deux personnages, dans le fond le plus reculé de la pièce, se tenaient hors de la discussion, absorbés dans un entretien particulier, qu’ils échangeaient à voix basse.

Pierre voulant s’isoler prit place non loin d’eux, bientôt les mots techniques prononcés par ses voisins attirèrent son attention. C’était deux médecins se consultant sur l’état critique d’une patiente, qu’ils venaient apparemment de quitter. Le plus âgé, le docteur Bussière, était un praticien bien connu à Montréal. Son compagnon était un homme de vingt-sept à vingt-huit ans, de moyenne taille aux épaules robustes, à la tête imposante et fière, aux traits réguliers, aux regards vifs, hardis et doux à la fois ; la lèvre était énergique, le sourire attrayant ; la physionomie franche, ouverte ; ses cheveux épais et bouclés tombaient sur un front haut, intelligent, tout dans cette physionomie