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Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/140

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COMMENTAIRE HISTORIQUE

de jeunesse (surtout Morel qui était à Turin près de Guill. du Bellay précisément en 1541-42), mais encore ses autres panégyristes, Du Perron, Velliard, Critton, qui n’eussent pas manqué d’ajouter cet ornement à leurs éloges funèbres si l’affirmation de Binet avait été fondée.

2° Ronsard lui-même n’en a jamais parlé, ni dans les vers qu’il adresse à ceux de ses amis qui eurent la bonne fortune de fouler la terre transalpine ; ni dans ceux où il vante les services diplomatiques et militaires des Du Bellay, et parle avec admiration du « grand Langé » qui personnifiait l’honneur et la vertu (v. l’ode pindar. A Joachim du Bellay, Bl.. II, 101-102) ; ni enfin dans son autobiographie. Ce dernier point est tout à fait digne de remarque. Si vraiment Ronsard était allé en Piémont, il n’eût pas oublié de communiquer à son panégyriste Paschal un document si glorieux pour sa mémoire. Il eût ressenti une fierté légitime pour avoir été le compagnon et l’auxiliaire, même humble, du « docte et preux chevalier » dont la mort prématurée causa de vifs regrets aux humanistes, aussi bien qu’aux gens de guerre. (Cf. Rabelais, III, ch. xxi ; IV, chap. xxvi et xxvii).

3° Si Ronsard était allé avec Guill. du Bellay en Piémont, celui-ci l’aurait probablement couché sur son testament qu’il fit le 13 novembre 1542 et où sont mentionnés Massuau, Rabelais, tous ses amis et serviteurs, à une ou deux exceptions près (communication de M. Bourrilly). Il est vrai que Loys de Ronsart assista aux obsèques du grand capitaine au Mans le 5 mars 1543, et qu’il tenait même un des coins du drap mortuaire (L. Séché, Rev. de la Renaiss., févr. 1901, p. 81 ; L. Froger, Province du Maine, juillet 1901, tome IX, pp. 209 et suiv.) ; mais ce fut en qualité de parent, de compagnon d’armes, de glorieux vétéran des guerres d’Italie, et peut-être de mansionnaire royal représentant le roi de France. Et si son fils Pierre fut tonsuré le lendemain au Mans par l’évêque René du Bellay, ce n’est pas parce qu’il était protégé par les Du Bellay, comme ayant suivi en Piémont l’aîné de la famille ; c’est simplement parce qu’il était né dans une paroisse qui dépendait du Maine pour le spirituel (cf. R. Charles, Rev. histor. du Maine, tome V, p. 373 ; Froger, Rons. ecclés., p. 7 ; Chamard, Rev. d’Hist. litt., 1899, p. 35 ; Laumonier, Rev. de la Renaiss., mars 1902, p. 159).

4° Trois textes des œuvres de Ronsard tendent à prouver qu’il n’a pas franchi les Alpes : l’ode Au païs de Vandomois [l’auteur] voulant aller en Italie, qui ne peut pas avoir été composée avant 1545 (v. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 56-57) ; l’ode A Cl. de Ligneri, publiée en 1552, où il compte sur les récits de son ami pour connaître l’Italie (Ibid., p. 84) ; un passage du Discours contre Fortune, composé vers 1558, où Ronsard dit à Odet de Coligny :

Aucunefois (Prelat) il me prend une envie
(Où jamais je ne fus) d’aller en Italie.

Bien que les auteurs du temps distinguent l’Italie proprement dite du Piémont et même des « Lombardes campagnes » (cf. Cl. Marot, épître au Roy du temps de son exil à Ferrare), ces textes peuvent encore servir dans une large mesure d’argument contre l’affirmation de Binet. D’ailleurs, que Ronsard parle du Piémont ou qu’il parle de