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Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/22

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xiv
INTRODUCTION

devaient avoir lieu, au rôle officiel qu’y joueraient Ronsard et Dorat, poètes du roi, à la possibilité pour lui-même d’y participer sous l’égide de ces personnages et de faire son chemin comme poète de Cour, ce que nous voyons qu’il fut par ses premières publications de 1571 à 1575.

D’ailleurs tout porte à croire qu’il se fit d’abord présenter à Ronsard chez Dorat. Voici comment. Cl. Binet nous apprend qu’il devait à Dorat « une partie de ses estudes ». Ce n’est pas, comme on pourrait le croire, une allusion au collège de Coqueret, car Binet était encore au berceau quand Dorat cessa d’en être principal. Il a pu être son auditeur au Collège Royal vers 1966-67[1], ou bien les années suivantes à son domicile du faubourg St-Victor, où Dorat continua longtemps à enseigner avec éclat. Quoi qu’il en soit, je pense qu’en 1570 il était en relations suivies avec Dorat, comme ancien élève ou comme étudiant nouveau[2]. La maison de Dorat était très hospitalière et les jeunes gens qui se destinaient aux carrières libérales la fréquentaient avidement. Nous ne le savons pas seulement par le Maître[3], mais par l’un de ses hôtes, l’historien J.-A. de Thou. « J’allais souvent visiter Dorat, dit-il en substance dans ses Mémoires, précisément à l’année 1570, et c’est lui qui me fit connaître Ronsard : comme je me sentais des dispositions pour la poésie, je liai avec lui une amitié si étroite que dans l’édition de ses œuvres qu’il fit faire par Galland (celle de 1587) il me dédia son Orphée avec un éloge magnifique. Par le même moyen je connus J.-A. Baïf et R. Belleau, dont depuis je cultivai l’amitié avec un grand soin »[4]. Les choses ont dû se passer de la même façon pour Binet, qui avait à peu près le même âge que J. A. de Thou[5].

Binet alla donc voir Ronsard, qui l’accueillit bien et encouragea ses débuts poétiques. Mais leurs relations furent ce qu’elles devaient être entre un homme de 45 ans, arrivé à l’apogée de la gloire littéraire, et un jeune inconnu de 17 ans ; elles furent empreintes de bienveillance de la part de l’un, d’admiration respectueuse et discrète de la part de l’autre. Binet se lia plus facilement avec A. Jamin, le secrétaire du grand poète. C’est une impression qui se dégage très nettement du premier recueil de vers de Binet.

Les Diverses Poësies contiennent en effet un Sonet pour Jean Dorat, à la Santé ; deux épigrammes sur La Vache de Myron descrite par les

  1. Dorat y fut professeur de grec, à l’occasion professeur de latin (cf. Lambin. déd. du 6e livre de son Lucrèce), pendant onze ans, de 1556 à 1567. Il céda sa chaire en nov. 1567 à son gendre Nicolas Goulu (Marty-Lav., Notice sur Dorat, xxiii et xxviii ; Abel Lefranc, La Pléiade au Collège de France, en tête de l’Annuaire du Coll. de Fr., 3e année, 1903, et dans l’Amateur d’autographes du 15 juillet 1903).
  2. Je placerais volontiers en 1568-69 le séjour en Italie, dont Binet nous parle, durant lequel il aurait été auditeur de Petro Vettori à Florence et de Petro Angelio à Pise.
  3. Marty-Lav.. Notice sur Dorat, xxviii et xxxvii.
  4. Collection Petitot, 1re série, tome XXXVII, p. 223.
  5. J.-A. de Thou est né en 1553. Binet eut avec lui de bonnes relations, témoin la part qu’il a prise au Tombeau de Chr. de Thou. V. ci-après, p. xvii. Toutefois J.-A. de Thou, énumérant dans ses Mémoires les auteurs du Tombeau de son père, ne nomme pas Binet, et en 1586 c’est à Galland, et non à Binet, qu’il adressa ses vers pour le Tombeau de Ronsard.