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Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/28

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INTRODUCTION

au point d’être choisi, avec Galland, comme exécuteur de ses dernières volontés d’écrivain. À preuve cette affirmation de Cl. Binet : « Sur ses derniers jours me faisant cet honneur de me communiquer familièrement tant les desseins de ses ouvrages, que les jugemens qu’il donnoit des escrivains du jourd’huy, il se plaignoit fort de certain stile dur et ferré qu’il voyoit s’authoriser parmy nous »[1] ; puis cette fin de l’Hymne de Mercure, que Ronsard lui dédia en retour des deux pièces signalées plus haut dans les Plaisirs de la vie rustique :

Binet, soin d’Apollon, dont la vive eloquence
Flate mon mal d’espoir, mon proces d’asseurance,
Au lieu de tes beaux vers, du trafic de nostre art,
Des honneurs de Mercure iey je te fay part[2]... ;


enfin ces hexamètres de Dorat qui datent de 1586 et parurent en tête de la première édition posthume des Œuvres de Ronsard :

Virgilio fuerat qui par Ronsardus in omni
Vita, morte parem sese praestaret ut illi.
Fidos elegit Tuccam et Varum inter amicos,
Te, Gallandi, et te, Binete, poëmata, quorum
Commisit curae, ne corrumpenda perirent[3]...

Ronsard mourut en son prieuré de Saint-Cosme-lez-Tours le 25 décembre 1585. Galland, qui l’avait déjà vu très mal dans l’automne au

  1. Voir ci-après, p. 38, ligne 23, et p. 39, lignes 1 à 4.
  2. Bl., V, 254. Cf. Marty-Lav., Notice sur Ronsard, xc. Il est possible que le procès auquel Ronsard fait ici allusion soit le même que celui qu’il eut dès 1568 avec le teinturier Fortin, son voisin de Saint-Cosme-lez-Tours, et pour lequel il écrivit alors au maire de Tours, à l’avocat Pierre du Lac et au procureur Julian Chauveau (Bl., VIII, 169 ; VI, 109 et 125). Il s’agit peut-être aussi d’un procès qu’il eut avec les religieux de Saint-Cosme concernant l’administration du prieuré, et dont il reste un acte daté du 21 novembre 1581 (communication de M. Ludovic Langlois, ancien notaire à Tours).
  3. Bl., I, xviii. La collaboration de Galland et de Binet à la première édition posthume de Ronsard est abondamment prouvée. Outre ce texte de Dorat, voir trois passages de la Vie de Ronsard de Binet corroborés par les termes mêmes du privilège de cette édition ; les deux dédicaces de cette édition à Henri III, l’une en vers par Binet, l’autre en vers par Galland ; la fin du chapitre vi du livre VII des Recherches de la Fr. (qui était composé en 1586, car ce livre VII était alors le livre VI et Pasquier a écrit dès 1584 dans une lettre à La Croix du Maine qu’il avait dans ses tiroirs le manuscrit des livres III à VI) ; enfin ces lignes d’André du Chesne : « Ronsard adressa à Antoine Chasteigner une ode qui estoit la 30e de son troisième livre en l’édition de 1567, et la 19e (en réalité la 20e) en celle qui fut faite un peu avant le décès de Ronsard, portant pour inscription : « A Antoine Chasteigner de la Rochepozay. » Mais, depuis, Claude Binet mettant la main à ses œuvres, y changea en divers endroits, de façon que l’ode est demeurée privée et de son titre legitime et du ranc qu’elle tenoit entre les autres » (Hist. généal. de la maison des Chasteigners, Paris, Cramoisy, 1634, p. 291.)

    Il ressort de tous ces documents rapprochés que la part de chacun fut déterminée. Binet remania le texte des œuvres « selon l’intention » de Ronsard, fit les suppressions et les additions, classa enfin le tout « suivant les memoires et advis » de Ronsard. Galland fut l’éditeur proprement dit, obtint le privilège, s’entendit avec le libraire G. Buon, surveilla l’impression et corrigea les épreuves (ceci probablement de concert avec Binet). Il n’est pas question de Binet dans les privilèges accordés à Galland, ni dans celui de mars 1586, ni dans celui de janvier 1597.