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Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/41

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xxxiii
INTRODUCTION

ses relations avec le seigneur Paul[1], ses compagnons d’étude après la mort de son père, son goût pour Eschyle (anecdote du Prométhée), pour Aristophane (anecdote du Plutus), pour Homère, Pindare et Lycophron, ses premiers essais poétiques, sa mésintelligence passagère avec Du Bellay ? Ce sont eux encore qui ont guidé Binet, cela n’est pas douteux, au sujet des premières publications de Ronsard et de sa querelle avec Saint-Gelais, car, réduit aux seuls documents écrits que nous avons énumérés, il n’aurait pu les dater, même approximativement et vaguement comme il l’a fait, la connaissance des éditions originales et celle de la chronologie en général lui étant restées presque totalement étrangères.

Il a lui-même laissé échapper le secret de ces sources orales ; l’aveu est précieux à retenir. Dans ses deux premières rédactions, le seigneur Paul, l’un des plus anciens initiateurs de Ronsard aux beautés de la poésie latine, est présenté uniquement comme Piémontais ; mais on lit dans la troisième : « … le seigneur Paul, Escossois ainsi que disent aucuns, Baïf m’a asseuré toutesfois qu’il estoit Piemontois… » Comme Du Perron est de ceux qui le disaient Écossais, et que cette opinion, conservée dans toutes les éditions de l’Oraison funèbre de Ronsard, avait été exprimée devant Binet et publiée dès février-mars 1586, comme d’autre part l’opinion contraire a été soutenue par Binet dès sa première rédaction, qui est de la même date, il est clair que le témoignage de Baïf remonte à ce moment-là.

Je ne crois pas non plus téméraire d’avancer que deux suppressions importantes de la deuxième rédaction sont dues à Baïf. Tout d’abord Binet avait fait intervenir Baïf dans la querelle Ronsard-Du Bellay : « … encore que Du Bellay de son costé eust opinion d’avoir esté picqué par luy (Ronsard), quand allant voir Ronsard et Baïf il trouva sur leur table un de ses livres que Baïf avoit apostillé en la marge, remarquant quelques vers et hemistiches, comme pris de Ronsard, pensant que c’eust esté luy qui eust faict telles annotations. » Tout ce passage, dû vraisemblablement à un récit de Dorat, disparut de la deuxième rédaction, sans que rien le remplaçât. Pour moi, comme pour M. Chamard[2], ce fut à la prière de Baïf, soit qu’il préférât ne pas figurer dans la querelle, soit que la mémoire de Dorat lui eût paru infidèle sur ce point. — D’autre part Binet avait recueilli soigneusement, sans doute encore de la bouche de Dorat, une anecdote très circonstanciée, relative à une partie de ballon, qui aurait eu lieu dans le pré aux clercs entre le roi Henri II et Mr de Laval, et où l’adresse de Ronsard, qui était du côté du roi, aurait assuré la victoire à celui-ci. Je ne vois que Baïf qui ait pu décider Binet, si friand d’anecdotes, à supprimer radicalement celle-ci de sa deuxième rédaction, comme controuvée par l’ancien principal de Coqueret, que ses souvenirs avaient trahi[3].

D’ailleurs les souvenirs de Baïf lui-même devaient être assez confus

    nité de fois à ceux qui l’ont cogneu en sa premiere jeunesse, que… » (Voir ci-après. Commentaire, pp. 83 et 84.)

  1. Peut-être tenait-il ce dernier renseignement de Velliard (v. ci-après, Commentaire, p. 85), mais celui-ci le tenait d’Ant. de Baïf.
  2. Rev. d’Hist. litt., 1899, p. 45.
  3. V. ci-après, p. 9.