Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/180

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nes sévères, toute communication avec les provinces révoltées. De son côté, le cardinal André commença par prendre des mesures pour que le passage du Rhin fût clos aux Hollandais, de manière qu’aucun bateau, denrée ou marchandise ne pût, par ce fleuve, descendre vers la Hollande et la Zélande, ou monter vers Clèves, Juliers et ailleurs. Le 12 décembre 1598, il publia une ordonnance qui interdisait d’amener, dans les Pays-Bas obéissants, par la Hollande, la Zélande et les provinces qu’occupaient les rebelles, des vins d’Espagne, de France ou d’Allemagne. Par une autre ordonnance, du 24 du même mois, il cassa et mit à néant les congés, passe-ports et licences donnés à des habitants des provinces insurgées pour se livrer à l’exercice de la pêche. Enfin, le 9 février 1599, il prohiba toute communication, trafic et commerce avec ceux de Hollande, de Zélande et leurs adhérents, jusqu’à ce qu’ils se fussent réconciliés avec le roi d’Espagne et l’infante, leur souveraine princesse. Cette série de mesures répandit d’abord la consternation parmi les Hollandais, mais bientôt leur patriotisme eut relevé leur courage. Ils répondirent aux édits de Philippe III et du cardinal André par un placard du 2 avril qui déclarait de bonne prise les Espagnols et leurs biens partout où l’on pourrait les saisir ; défendait à toutes personnes, de quelque nation qu’elles fussent, de commercer avec les États du roi d’Espagne et de l’infante ; interdisait de même aux habitants des Provinces-Unies de demander ou d’accepter de l’ennemi des passe-ports ou des sauvegardes, et enfin statuait que, si des pilotes ou des matelots de la république, étant pris par l’ennemi, se voyaient taxés à des rançons exorbitantes, il serait usé de représailles contre les officiers et sujets des villages de Brabant et de Flandre soumis au pouvoir de l’infante. Ils ne s’en tinrent pas là, mais ils équipèrent une flotte de soixante et dix à quatre-vingts voiles destinée à aller attaquer l’armada de Philippe III, à s’emparer des galions attendus des Indes, à porter le fer et le feu sur les côtes d’Espagne et dans ses possessions en Amérique. En définitive, l’interdiction du commerce n’eut pas les résultats qu’on s’en était promis à Madrid et à Bruxelles : au contraire, elle engagea les Hollandais à tourner leurs vues vers les Indes ; les entreprises qu’ils y firent furent couronnées de succès, et de là naquit la puissance qui fit de leur république, au xviie siècle, l’un des premiers États de l’Europe.

Cependant l’archiduc Albert et l’infante Isabelle, ayant célébré leur mariage à Valence, le 18 avril 1599, s’étaient mis en route pour les Pays-Bas. Le 31 août, ils arrivèrent à Hal, à trois lieues de Bruxelles. Là, le cardinal André remit entre leurs mains le gouvernement dont ils l’avaient investi, et prit congé d’eux, laissant dans les Pays-Bas, au rapport de de Thou, une grande opinion de sa modération et de sa sagesse. Il désirait voir la France, qu’il ne connaissait pas ; il traversa ce royaume, non sans être allé à Orléans saluer Henri IV, qui lui fit un accueil des plus distingués ; ensuite il se dirigea vers Mersebourg, résidence ordinaire des évêques de Constance. Au mois d’octobre 1600, il alla à Rome, pour gagner le grand jubilé. Il voulait y garder l’incognito ; il visitait les églises et les lieux saints sous les vêtements du pèlerin le plus humble ; mais Clément VIII, ayant su sa présence dans la ville éternelle, l’envoya chercher par le cardinal de Saint-Georges, son neveu, et le força d’accepter un logement au Vatican. Le 23 octobre, il prit le chemin de Naples, en intention d’y révérer les reliques de saint Janvier ; il en revint malade le 7 novembre. Il logeait, cette fois encore, au Vatican, pour se conformer à la volonté de Clément VIII. Ce pontife ordonna qu’il fût l’objet des plus grands soins, et lorsque la fièvre que le cardinal avait apportée de Naples eut pris un caractère alarmant, ce fut lui-même qui reçut sa confession et lui administra les sacrements de l’Église. André mourut le 12 novembre, âgé de quarante-deux ans cinq mois et vingt huit jours. Il fut enterré dans l’église des Allemands, dite de Santa Maria dell’Anima, où son frère Charles d’Autriche lui fit élever un mausolée.

Gachard.

ANDRÉ (Bienheureux), second abbé