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Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/416

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vous voyez mon bon papa, ayez la bonté de lui dire qu’à présent je vais me suffire à moi-même, et qu’il ne sera plus obligé de m’envoyer de l’argent, que je ne lui eu demanderai plus. »

Bassenge arriva à Paris dans les derniers jours de 1781, peut-être le 31 décembre[1]. A Bruxelles, où il s’arrêta quelques jours, il revit Raynal plusieurs fois, et ces entrevues réitérées ne firent qu’accroître son admiration pour celui-ci. Sa correspondance avec Fabry contient une lettre remplie de curieux détails à ce sujet[2], comme aussi par rapport à Grétry, qui lui avait fait un accueil tout cordial. Le jour même ou le lendemain de son arrivée à Paris, il avait assisté à la première représentation de La Double Épreuve, opéra de son compatriote qui fut, dit-il, « porté aux nues. » Son séjour doit y avoir été assez long, puisque sa dernière lettre à Fabry est du 24 septembre 1783, et, loin d’annoncer son départ, il écrit à son correspondant, dont il vient d’apprendre l’élection comme bourgmestre pour la seconde fois : « Puissé-je bientôt vous dire de vive voix tout ce que la nouvelle qui vient de nous arriver m’a fait éprouver de sentiments délicieux ; mais je ne crois pas avoir cette satisfaction de sitôt encore. »

Il était certainement de retour en 1785, car il fut le promoteur de la Société patriotique, dont l’idée remonte à cette époque, et il prit aussi, dès lors, une part fort active à la polémique que détermina la querelle des jeux de Spa. Toute personnelle au début, la question soulevée à ce propos avait fini, grâce à la maladresse du successeur de Velbruck, par devenir une question politique. L’ouvrage de l’avocat Piret : De la souveraineté des princes-évêques de Liége, écrit en faveur du pouvoir, avait causé une forte sensation, et Bassenge y répondit par ses Lettres à l’abbé de Ρ…… (le chanoine De Paix), qu’on croyait l’auteur du mémoire. Ces lettres, où ne manquent ni la chaleur, ni le mouvement, sont diffuses et remplies de déclamations ; elles contiennent néanmoins, comme le dit le baron de Stassart, « d’énergiques tableaux et des pages éloquentes, » et surtout elles attestent de nombreuses recherches dans les documents historiques et diplomatiques du pays, recherches d’autant plus méritoires qu’elles n’allaient guère à l’esprit imaginatif de l’auteur.

Ce livre attira l’attention et aussi l’animadversion du gouvernement sur un jeune homme que ses rapports avec les patriotes les plus éminents : Fabry, Chestret, Ransonnet, Donceel, Lesoinne, et d’autres, commençaient à mettre en évidence. Déjà, lors de la terreur qu’avait répandue dans les rangs de l’opposition le jugement rendu par l’échevinage de Liége contre Redouté et ses coaccusés, en juillet 1787, Bassenge avait jugé prudent de suivre à Cologne son ami Reynier, qui s’y était réfugié auprès de son beau-père, le banquier Dumont. Toutefois, il en était revenu, lors de la session des états, qui fut convoquée à la fin de cette année : nous en trouvons la preuve dans une requête relative à la saisie de ses dernières lettres, et qui ne trouva auprès de l’assemblée qu’un accueil dédaigneux.

Cette attitude malveillante de l’échevinage et de l’assemblée des représentants de la nation liégeoise força les patriotes à réclamer l’intervention de la chambre impériale de Wetzlar, et des députés furent chargés de solliciter en faveur des malheureux que venait de frapper un jugement inique. Le tribunal des XXII, impliqué dans la procédure ouverte à ce sujet, avait délégué un de ses membres, Chestret. Bassenge lui fut adjoint, et l’activité de ses démarches contribua à obtenir une sentence favorable. On était parvenu à la session des états de 1789, et la roideur du gouvernement de Hoensbroech n’avait cessé de fournir des armes nouvelles à l’opposition, quand l’éditeur de L’Esprit des Gazettes, Urban, commença, à Tignée, la publication de l’Avant-Coureur (février). Publié aux portes de Liége, mais sur terre impériale, ce journal fut, pour le prince-évêque, une cause de cruels soucis. Bassenge en devint le principal ré-

  1. Lettre à Fabry du 7 janvier 1782. Le baron de Stassart a fait erreur, à ce sujet, dans sa notice.
  2. Lettre citée plus haut.