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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/144

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VOYAGE D′UNE FEMME AUX MONTAGNES ROCHEUSES

changé mon cheval contre sa belle jument, et tous deux nous avons galopé et couru aux lueurs d’un beau crépuscule, dans l’air froid et enivrant. Mrs Dewy souhaitait que vous eussiez pu nous voir descendant la passe au galop ; le bandit effrayant sur mon pesant cheval de chariot, et moi sur sa selle de bois d’où pendaient par lambeaux des queues de castor, de loutre, de martre, et des morceaux de peau. Je n’avais qu’un éperon, les pieds hors de l’étrier, et la jument avait l’air aussi aristocratique que je semblais, moi, misérable, M. Nugent est ce qu’on appelle un brillant causeur. Avec une sorte de mépris montagnard pour toutes choses, il juge avec une finesse remarquable les hommes et les événements ; les femmes aussi. Pathétique, poëte, il a de l’esprit, un amour intense de la nature, beaucoup de vanité dans un certain sens, un désir évident de parler et d’agir en original, et de soutenir sa réputation de desperado ; il est très-littéraire et a une mémoire merveilleuse. Ses manières avec les femmes sont pleines d’un respect chevaleresque qui rend encore plus amusantes les railleries gracieuses qu’il leur adresse subitement. Il est très-séduisant et aime beaucoup les enfants. Ceux de la maison courent à lui et, lorsqu’il s’assied, grimpent sur ses larges épaules et jouent avec ses cheveux. On dit, ici, qu’une fois qu’on a causé avec Jim, on trouve que les autres ne valent pas la peine qu’on leur adresse la parole. Le temps corrigera probablement cette opinion. De façon ou d’autre, il est toujours en vue du public du Colorado, car on ne peut guère prendre un journal sans trouver de paragraphe le concernant, un article fait par lui ou un fragment