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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/238

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à tout en général un certain lustre. Il y a, au fond d’une baratte, un reste de petit lait épais qui a bien six semaines ; je m’en sers pour faire lever ma påte. M. Kavan, qui fait du pain exquis, met de l’eau et de la farine à fermenter près du poêle, et cela réussit admirablement. J’ai fait aussi une investigation très-peu satisfaisante dans l’état de ma garde-robe. Je suis arrivée au Colorado il y a maintenant trois mois, avec un petit sac de nuit contenant du linge qui n’était pas neuf ; or, par suite de l’usage légitime que j’en ai fait, des ravages commis par les veaux, de la nécessité d’en déchirer une partie pour faire des torchons, il m’en reste juste ce qu’il faut pour changer une seule fois ! J’ai un mouchoir de poche unique, et une paire de bas tellement reprisés, qu’il reste à peine trace de la laine première. N’ayant pu me procurer d’argent à Denver, je suis presque sans souliers, et n’ai qu’une paire de pantoufles et des snow-boots. Comme vêtements ? — Eh bien, j’ai ma robe de soie noire à queue avec la polonaise pareille, et rien autre chose que mon vieux costume de cheval en flanelle, usé jusqu’à la corde et qui demande de si fréquents raccommodages, que, forcée quelquefois de « m’habiller » pour le souper, il me faut y mettre des pièces pendant la soirée. Vous allez rire, mais n’est-il pas singulier de pouvoir supporter ce vent âpre avec le mercure à zéro et au-dessous, vêtue exactement de la même manière que sous les tropiques ? Cela n’est possible qu’en raison de l’extrême sécheresse de l’air. Nous avons mieux partagé la besogne : M. Buchan en faisait trop, et c’était dur pour lui, qui est très-délicat.