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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/273

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AUXMONTAGNES ROCHEUSES

vais arriver avant onze heures du soir, et que je n’arriverais pas du tout s’il y avait beaucoup de neige. Je demandai aux gentlemen de venir avec moi jusqu’à la porte du Diable, mais leurs chevaux étaient trop fatigués ; quand le trappeur entendit cela, il s’écria avec indignation : « Quoi ! cette femme va aller seule dans les montagnes ; si elle ne s’égare pas, elle mourra de froid. » Lorsque je lui racontai que j’avais fait la route pendant la tempête de mardi, et six cents milles toute seule dans les montagnes, il me traita avec beaucoup de respect, comme si j’eusse été un compagnon montagnard, et me donna des allumettes, en disant : « Dans tous les cas, vous serez obligée de camper ; il vaut mieux faire du feu que de mourir de froid. » L’idée de passer la nuit dans la forêt, seule auprès du feu, me parut tout à fait grotesque.

Nous ne sommes repartis qu’à une heure, et les deux gentlemen m’ont accompagnée pendant les deux premiers milles. Sur le chemin, il fallait traverser dix-huit fois la petite Thompson, qui à cet endroit est une grande rivière. On avait halé des bois en travers en cassant la glace, qui, tour à tour brisée et regelée, était épaisse par places, mince dans d’autres, si bien qu’il y avait des passages que je trouvais moi-même mauvais ; la glace se rompait sous notre poids, et les chevaux avaient beaucoup de peine à remonter. L’un de mes compagnons, bien que gentleman accompli, n’était pas bon cavalier, et se trouva une ou deux fois dans une situation risible, hésitant sur les bords, l’air inquiet, et n’osant éperonner son cheval sur la glace. Après qu’ils m’eurent quittée, je passai encore huit