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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/279

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

bénir lui et les siens ! Il était obligé de s’en aller avant mon départ, et tandis qu’il me recommandait aux soins de M. Nugent, les deux hommes se serrèrent amicalement la main.[1]

De riches fourrures de castor étaient étendues sur le sol de la cabin ; le trappeur en prit une, couleur de souris, la plus belle, et me l’offrit. Je lui empruntai sa jument arabe, dont le pas élastique et la grande allure facile étaient un repos, après les mouvements courts et décidés de Birdie. Notre voyage a été très-agréable et je n’ai eu à marcher que fort peu. Nous n’avons pris aucun des chemins, mais avons coupé droit à travers la forêt, à un endroit où, par une ouverture des Foot-Hills, on voyait les plaines couvertes de neige s’étendre à l’horizon ; leur surface s’était fondue, puis avait gelé de nouveau et réfléchissait, comme l’aurait fait une nappe d’eau, le bleu pur du ciel ; l’illusion d’optique était complète ; il fallait la connaissance des faits pour croire que ce n’était point l’Océan qui s’offrait à nos yeux. Jim, en récitant beaucoup de poésie et en causant d’une façon sérieuse et raisonnable, me fit paraître la route

  1. Quelques mois après, « Mountain Jim » était tué par Evans ; tué du seuil même de la porte d’Evans, alors qu’il passait à cheval devant la cabin de ce dernier. L’histoire des semaines qui ont précédé ce meurtre est sombre, triste, mauvaise. Cinq versions m’ont été données par écrit sur cet acte et ses causes immédiates. Il vaut mieux n’en citer aucune. Cette tragédie est trop sombre pour s’arrêter à ses détails. Jim vécut assez longtemps encore pour donner son propre témoignage et en appeler à la justice de Dieu. Et puis, — il mourut après un délire prolongé, et avant que les tribunaux des hommes fussent saisis.