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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

pas ; c’est le cas pour tout. S’il veut transporter du bois, on ne peut découvrir l’un ou l’autre des bœufs ; si le bois est en route, une roue ou une partie des harnais cède, et l’opération est arrêtée pour plusieurs jours. La hutte n’est guère qu’un abri ; mais on la laisse en ruine, parce qu’autrefois on avait creusé là les fondements d’une maison en charpente. On peut être certain que le cheval boitera parce qu’un clou manquera à son fer, ou qu’une selle ne pourra servir parce qu’une boucle est brisée. Le chariot et les harnais sont une merveille d’expédients provisoires : de pièces et d’attaches peu solides faites de bouts de corde. Ce dont on a besoin n’est jamais prêt ou complet. Cependant Chalmers est dur à l’ouvrage, frugal et sobre ; lui, son fils aîné et « un homme de peine » se lèvent de bonne heure, se rendent à leur tâche et travaillent jusqu’au soir, et s’ils se reposent avant une heure avancée, ils mangent en vérité « le pain de la vigilance ». Il n’est guère surprenant que neuf années, passées à user opiniâtrément de moyens aussi peu faits pour réussir, n’aient amené d’autre résultat que celui de se procurer les choses strictement nécessaires à la vie.

Je parlerai moins de Mrs Chalmers. Elle ressemble aux pauvres femmes anglaises que nous voyions dans notre enfance : maigre, propre, édentée, parlant comme plusieurs d’entre elles d’une voix faible et chagrine, qui semble exprimer un reproche personnel. Elle passe toutes ses journées coiffée d’un grand chapeau destiné à la préserver du soleil. Jamais elle n’est oisive, pas même pendant une minute ; elle est dure, sévère et méprise tout, excepté le travail. Je crois qu’elle