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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/61

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

bœufs maigres à l’air affamé, des pourceaux de mœurs singulièrement actives et beaucoup de volailles. Les vieilles selles sont attachées avec de la ficelle ; l’un des côtés de la bride est une lanière usée, l’autre une corde. Les hommes portent des bottes, mais jamais deux de la même paire ; naturellement, elles ne sont pas cirées, et ils n’ont pas de bas. Dormir sous un toit leur semble très-efféminé, excepté pendant les mois les plus rigoureux de l’année. La fille mariée habite de l’autre côté de la rivière. Elle est absolument semblable à sa mère : âpre, froide, morale, dure au travail. Tous les matins après sept heures, dès que j’ai balayé la cabane, la famille vient faire la prière ; Chalmers chante un psaume d’une voix gémissante, dans toute l’acception du mot gémir, sur le plus triste des airs lamentables ; ils lisent un chapitre tour à tour, et lui prie. Si sa prière a quelque chose du ton des psaumes imprécatoires, il a pour lui une haute autorité, et s’il s’y trouve une teinte de l’action de grâces pharisaïque, il n’est guère surprenant qu’il soit reconnaissant de n’être point comme le reste des hommes, lorsqu’il contemple l’impiété générale de cette région.

Dimanche a été un jour épouvantable. La famille a littéralement observé le commandement et n’a pas travaillé. Le culte a eu lieu deux fois et a duré plus que d’habitude. Chalmers ne permet pas, chez lui, d’autres livres que des ouvrages de théologie et deux ou trois volumes d’ennuyeux voyages, de sorte que la mère et les enfants ont dormi presque toute la journée. L’homme a essayé de lire une édition usée du Quadruple État de Boston, mais le sommeil l’a vite gagné,