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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/92

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VOYAGE D′UNE FEMME

pendant six milles à travers la prairie et avons gagné le beau canyon de la Saint-Vrain, qui, vers son ouverture, est une vallée boisée, étroite et fertile, à travers laquelle une rivière rapide, que nous traversâmes plusieurs fois, se précipite en faisant d’innombrables détours. Ah ! comme ses ondes dansaient en brillant aux rayons du soleil ! comme elles exhalaient un murmure musical semblable à celui des fleuves d’Hawaï ! Nous nous sommes égarés maintes et maintes fois, quoique les « innocents » jeunes gens eussent déjà passé par là. Il faudrait un certain talent pour bien connaître les difficultés de ce sentier écarté. Heureusement, des settlers qui faisaient les foins apparaissaient toujours au bon moment pour nous remettre dans le droit chemin. Après les plaines brunes et grillées, le paysage devint très-beau et d’une variété infinie. Les peupliers du Canada étaient verts et luisants ; le feuillage d’or des trembles frissonnait, les vignes sauvages laissaient traîner à terre leurs feuilles jaunes, et la clématite de Virginie suspendait çà et là ses rameaux cramoisis, faisant ressortir la splendeur de l’or et du vert. Parfois, nous passions de l’ombre fraiche de ce fouillis coloré, à la froide Saint-Vrain. Nous étions alors pressés entre ses bords et de hautes falaises, des terrasses d’un aspect incroyable, des rochers fantastiques tachetés de carmin, de vermillon, de vert de toutes les nuances, de bleu, de jaune, d’orange, de violet, de rouge foncé, couleurs qu’aucun artiste n’oserait reproduire et dont j’ose à peine parler en simple prose. Les merveilleux pics de Long, qui, jusque-là, étincelaient au-dessus de la verdure, disparurent alors, et pendant vingt milles