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VIE ET ŒUVRE

« On dit que vous êtes très lié avec Tolstoï, et qu’il est devenu très charmant et plus franc. Je m’en réjouis beaucoup ; quand ce jeune vin aura fermenté ce sera une boisson digne des dieux. Qu’est-ce que sa Jeunesse qui vous a été envoyée ? Je lui ai écrit deux fois à Moscou, au nom de Vassinka (Botkine)[1]. »

La Jeunesse avait en effet été envoyée à Droujinine. Il la lut et répondit par la très intéressante lettre suivante :

« De la Jeunesse on peut écrire vingt feuilles. Je l’ai lue avec colère, cris et injures, non à cause de ses qualités littéraires, mais à cause des cahiers et de l’écriture. Ce mélange de deux écritures : l’une que je connais et l’autre inconnue, distrayait mon attention et empêchait une lecture sérieuse, comme si deux voix me criaient en même temps à l’oreille et me détournaient exprès. Et je sais que pour cette raison l’impression n’était pas assez sûre. Cependant, je vous dirai ce que je pourrai. Votre tâche est lourde et vous la remplissez très bien. Pas un des écrivains d’aujourd’hui ne pourrait si bien saisir et tracer la période émouvante et désordonnée de la jeunesse.

« Aux hommes faits votre Jeunesse donne un grand plaisir, et si quelqu’un nous dit que cette nouvelle est pire que l’Enfance et l’Adolescence vous pourrez lui cracher au visage. Votre ouvrage est plein de poésie. Les premiers chapitres sont admi-

  1. Premier recueil des lettres de Tourgueniev, p. 82.