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VIE ET ŒUVRE

Et, de nouveau, les Anglais mornes, guindés, font un cadre sombre à cette merveilleuse fleur de poésie.

Le chanteur a terminé et tend son chapeau sous les fenêtres du riche hôtel où se presse une foule d’auditeurs aux toilettes somptueuses. Mais personne ne lui donne. Tolstoï, frappé de la froide indifférence de cette foule, court après le musicien et l’invite à boire une bouteille de vin au restaurant.

Sa conduite provoque un scandale à l’hôtel. Mais c’est précisément ce qu’il désire. Il veut blesser ces richards satisfaits ; il veut leur exprimer son indignation. Mais le scandale est peu de chose et l’auteur garde l’amertume de l’injustice commise envers un homme et le sentiment de l’incapacité des gens à comprendre le bonheur suprême, simple, humain et en même temps en harmonie avec la nature. Et il s’adresse aux hommes avec des paroles de réprobation.

« Mais comment vous, enfants d’un peuple libre, vous chrétiens, vous des hommes, comment à ce plaisir pur que vous a fourni un malheureux, n’avez-vous répondu que par l’indifférence et la raillerie ? Mais non, dans notre pays, il y a des asiles pour les mendiants. Il n’y a pas de mendiants, il n’y en doit point avoir, non plus que de sentiment de compassion, sur quoi se base la mendicité ! Mais il a travaillé, il vous a fait plaisir, il vous suppliait de lui donner une parcelle de votre superflu