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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/301

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et cachée, s’anima tout à coup et s’agita sur tous les points d’une manière imposante. En quelques instants, une masse innombrable s’était répandue comme une mer dans les rues, sur les places publiques, le long des boulevards. À ce silence lugubre de la veille qu’interrompaient seules les détonations de la mousqueterie succédait, dans ce qu’il a de plus orageux, le mugissement de Paris. Mais comment se faisait-il que la capitale fut libre ? Quelle puissance mystérieuse avait fait plier devant quelques bandes éparses, composées en grande partie d’ouvriers et d’enfants, des troupes si braves, si bien disciplinées ? Il y avait dans un tel événement quelque chose d’inexplicable pour tous, et l’étonnement fut universel.

Quoi qu’il en soit, les premiers moments du triomphe appartinrent à la joie et à la fraternité. Une exaltation sans exemple faisait battre tous les cœurs. L’homme du monde abordait familièrement l’homme du peuple, dont il ne craignait point alors de presser la main. Des gens qui ne s’étaient jamais vus s’embrassaient comme d’anciens amis. Les boutiques s’ouvrirent aux pauvres, ce jour-là. Sur divers points, des blessés passaient portés sur des brancards, et chacun de les saluer avec attendrissement et respect. Confondues dans un même sentiment d’enthousiasme, toutes les classes semblaient avoir déposé leurs vieilles haines ; et à voir la facile générosité des uns, la réserve et la discrétion des autres, on eût dit d’une société rompue à la pratique de la vie commune. Cela dura quelques heures.

Le soir, la bourgeoisie veillait en armes à la con-