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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/124

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lés aux soldats de la garnison, accouraient pour jouir du spectacle de la force abattue, spectacle qui charme les hommes. M. de Polignac parut. Il s’avançait, entre deux grenadiers, d’un pas lent et la tête nue. Ses vêtements étaient en désordre, la fatigue altérait ses traits mais le feu d’une croyance irritée par le malheur brillait encore dans son regard. En montant l’escalier du donjon, il se montra ému : il s’arrêta, la main appuyée sur le fusil d’un grenadier. Le gouverneur du château l’accompagnait. Après des vicissitudes sans nombre, la fortune ramenait M. de Polignac dans ce triste donjon où il avait jadis expié les haines de sa jeunesse contre l’Empire. Châtié alors pour s’être mis en révolte contre le pouvoir, il l’était aujourd’hui pour en avoir abusé.

M. de Peyronnet, que devaient suivre ses deux autres collègues, parut à son tour. Il avait le chapeau sur la tête ; sa démarche était hautaine, et la foule remarquait sans colère cette fierté que l’excès de la conviction ne justifiait pas en lui, lorsqu’un cri se fit entendre. « À genoux, criait un inconnu, qui couchait en joue l’ancien ministre, à genoux le misérable qui a fait tirer sur le peuple, et qu’il demande pardon. » On apaisa l’indignation de cet homme ; mais il y avait pour le pouvoir dans de semblables scènes un avertissement terrible.

Pour interroger les coupables, la chambre avait à nommer des commissaires. Elle désigna MM. Bérenger, Madier de Montjau et Mauguin. Ils apportaient dans l’exercice de leurs nouvelles fonctions des qualités diverses : M. Bérenger, beaucoup de