Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/337

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Aussitôt son regard s’enflamme ; il va droit aux questeurs, et d’une voix tonnante : « Des soldats, messieurs ? Et en vertu de quels ordres ? – C’est, répondent les questeurs le ministre… – Quel ministre ? Vous n’avez d’ordres à recevoir ici que de moi. » Et M. de Bondy lui faisant observer que la police de la chambre entrait dans les attributions de la questure, « la police de la chambre ! monsieur, s’écria-t-il avec insulte ; dites la police des corridors. » Voilà ce qu’était cet homme. Il fit croire à tous qu’il était né pour le commandement, à force de fierté, de brusquerie et de dédain. Il est juste d’ajouter qu’il atteignit quelquefois à la grandeur, et que s’il lui arriva de prendre pour instruments des êtres méprisables, ce ne fut jamais sans les accabler de son mépris. Premier ministre, il mit le pied sur la législature, comme il l’avait mis, président de la chambre, sur le ministère ; et il en vint au point de ne plus vivre que dans son despotisme et dans ses rancunes, dur à ses serviteurs autant qu’implacable pour ses adversaires, conspuant les hommes de cour, parlant en maître à ses collègues, et n’accordant au roi lui-même qu’une coopération hautaine et un respect amer.

Le lendemain du jour où il avait saisi le pouvoir, s’étant rendu au château, il fut frappé de n’y rencontrer que des visages où se peignaient le mécontentement et la défiance. Les courtisans chuchottaient, sur son passage, d’une manière injurieuse ; on le suivait avec des regards de haine. Il arrive dans le salon où l’attendait la famille royale.