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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/444

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efficaces de pourvoir à l’armement du pays. C’était aussi l’objet de toutes les préoccupations du Lafayette, qui déclarait sans détour que, si l’on ne pouvait pas trouver en France un nombre assez considérable de fusils, il fallait s’adresser aux fabriques étrangères. Des offres particulières étaient faites au gouvernement par des manufacturiers français. Mais ces offres, quoique nombreuses, ne paraissaient pas suffisantes, et l’on avait, d’ailleurs, à se défier de l’impulsion déréglée que l’ébranlement inattendu de l’Europe avait pu donner à l’audace des spéculateurs.

Dans cette situation, un seul parti était à prendre. La révolution venait d’enlever à une foule d’ouvriers tout moyen de travail et, par conséquent, d’existence : il fallait former, pour la fabrication des armes, au nom et sous la direction du gouvernement, de grands ateliers propres à employer vingt-cinq ou trente mille ouvriers. C’est ce qu’avaient proposé des hommes d’un patriotisme aussi éclairé que sincère, et le projet fut vivement appuyé par M. Dupont (de l’Eure), alors ministre.

La pensée était à la fois sage et hardie. En occupant des hommes qui manquaient de pain, on les arrachait à des tentations dangereuses ; on ôtait à la révolution de juillet ce douloureux caractère de déception qu’elle avait naturellement revêtu aux yeux du peuple. On coupait court à l’esprit de spéculation et à ses essais de rapine ; enfin, on attribuait hautement à l’État, et dans les circonstances les plus favorables à une semblable innovation, ce droit d’initiative industrielle sans lequel il n’y a plus, au fond de