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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/486

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Au point où en était la discussion, et après les longs débats de l’adresse, tous les arguments semblaient épuises ; et le général Lamarque ne put, en effet, que donner à des redites la forme pompeuse de son éloquence. Mais M. Thiers trouva moyen de rajeunir la discussion en développant dès considérations inattendues. S’adressant d’abord à ceux qui, pour demander la guerre, partaient de ce point de vue qu’elle était inévitable il prouva, ce qui était vrai, qu’il n’y avait chez les Puissances ni désir d’entreprendre la guerre, ni pouvoir de la faire. Répondant ensuite à ceux qui, comme M. Bignon, auraient voulu voir le salut de la Pologne résulter de négociations habilement conduites, il examina si la reconstitution de la Pologne était possible. La Pologne, selon lui, n’étant qu’une vaste plaine, dépourvue de frontières solides, songer à la refaire eût été chimérique. La république avait-elle pu rien de semblable, avec ses quatorze armées ? Le cabinet de Versailles, qui avait fait une Amérique, avait-il fait une Pologne ? Napoléon lui-même ne s’était-il pas arrêté devant cette impossibilité douloureuse, mais fatale ? Le grand Frédéric n’aurait jamais songé à ce fameux partage pour lequel il s’associa si habilement la politique intéressée de Catherine et de Kaunitz, s’il n’eat reconnu l’impuissance, de la Pologne à couvrir l’Europe.

Ce discours fit une impression profonde sur l’assemblée. M. de Lafayette y répondit avec beaucoup de grâce et d’esprit, mariant dans une juste mesure l’urbanité à l’ironie, et opposant à l’érudition un peu étourdie du jeune orateur qui l’avait précédé