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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/170

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prenant. Car, comme presque tous les princes investis d’une autorité théocratique, le sultan ne faisait à son serviteur aucune concession qu’il n’eût l’arrière-pensée de lui retirer, à la première occasion favorable. Sa résignation n’était que l’hypocrisie de sa faiblesse.

Quant à Ibrahim, calme et confiant dans sa force, il attendait, sans témoigner aucune impatience, la sanction de ses victoires. Prévenu de l’approche des négociateurs, il leur envoya courtoisement une escorte. M. de Varennes, qui voyageait à cheval, avait devancé Réchid-Bey, qu’une maladie passagère mais douloureuse condamnait à se faire porter en litière. Cette circonstance, futile en soi, mit en relief l’audacieux mépris qu’affectaient pour le gouvernement turc Ibrahim et ses partisans. M. de Varennes ayant le premier rencontré les gens de l’escorte, il eut beaucoup de peine à les décider à attendre Réchid-Bey. « C’est pour vous, semblaient-ils dire, et non pour lui, que nous sommes venus. »

A Kutaya, la ligne de démarcation fut tracée par Ibrahim d’une manière bien plus blessante encore pour l’envoyé turc. M. de Varennes fut admis seul devant le vainqueur de Koniah, qu’il trouva déjeûnant et se livrant sans scrupule à l’usage de la boisson si rigoureusement proscrite par Mahomet. Ibrahim accueillit le négociateur français avec une sorte de grâce sauvage. Pour lui faire honneur, il avait ordonné qu’on célébrât sa visite par la Marseillaise, qu’exécuta en effet une musique barbare, et dont les paroles furent ensuite grossièrement chantées par des Arabes, qui s’évertuaient à imiter de leur