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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/192

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son aptitude universelle, sa nature insinuante, son activité, et l’incontestable supériorité de son talent. Le roi l’aimait d’ailleurs, parce que lui trouvant un esprit léger et un caractère facile, il se flattait de le dominer. M. Thiers mit donc à profit les circonstances pour engager la politique du Cabinet dans les voies où il se proposait de la conduire, conformément à des vues que nous aurons occasion plus tard d’exposer et de développer. Il fit entendre à ses collègues et au roi que reconnaître la reine d’Espagne impliquait l’obligation, de la secourir au besoin ; qu’il était digne d’un pays tel que la France de donner à son assentiment la valeur d’un bienfait et l’autorité d’un haut patronage ; qu’il ne fallait pas se laisser prendre au dépourvu par la tempète qui se formait au-dessus des Pyrénées et pouvait fondre, du haut des montagnes ; sur nos provinces du midi ; qu’en un mot il était utile, nécessaire même de lever un corps d’observation de 50, 000 hommes.

Quoique systématiquement opposé à tous les actes de vigueur, le roi approuva le projet. Il jugeait que lever un corps de 50, 000 hommes, ce n’était pas s’imposer l’engagement de l’envoyer à l’ennemi ; et c’en était assez pour le décider. Car le roi manquait complétement de prévoyance. Doué d’une sûreté de jugement peu commune lorsqu’il ne s’agissait que de statuer sur les choses du quart-d’heure, sur les accidents isolés de la politique, il était incapable d’apprécier les événements dans leur ensemble et de saisir leur enchaînement logique. La faculté de généraliser lui était étrangère à un point extraordinaire.