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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/501

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M. Thiers un ressentiment dont on sut bientôt augmenter la violence en y mêlant les excitations de l’amour-propre. On fit savoir à M. Thiers, – et le roi ne fut pas le dernier à lui en donner avis, — que l’opinion le jugeait incapable de porter sa fortune lorsqu’il n’aurait plus pour appui le talent des doctrinaires et leur consistance. Que tardait-il à faire tomber une supposition aussi injurieuse, en saisissant avec hardiesse les rênes du pouvoir, devenues flottantes ? On devine l’effet de pareils discours sur un homme confiant dans sa destinée, prompt à s’émouvoir, et qui avait jusqu’alors vécu au milieu de tous les enivrements de la louange. D’ailleurs, il arriva que, par une ignorance trop commune des intrigues et des menées de cour, les journaux de l’Opposition servirent, à leur insu, la secrète politique du Château. Dans un article dont la crise ministérielle avait fourni le sujet, Armand Carrel manifesta, sur l’avenir de M. Thiers séparé de ses auxiliaires, des doutes railleurs et provoquants. M. Thiers avait été le collaborateur d’Armand Carrel, il l’estimait avec effroi, il s’inquiétait de l’avoir pour juge, et son orgueil saignait long-temps de chaque trait parti de cette main virile. Poussé à bout, il résolut enfin de montrer ce qu’il était en état de faire. Et puis, son ambition était décriée en tous lieux et narguée par M. Piscatory, ami de M. de Broglie. Il le sut, et prit son parti aussitôt. « On me met au défi, s’écria-t-il avec un geste plein d’emportement, de faire un Cabinet ? Eh bien ! il est fait. » Et, le 22 février 1836, le Moniteur recevait des ordonnances nommant : MM. Thiers, président du Conseil et ministre des affaires étrangères ;