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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/61

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Caroline ayant aperçu les deux filles du gouverneur et leur mère, elle se pencha vers les enfants pour les embrasser ; puis, se tournant vers Mme Bugeaud, qu’elle savait douée d’un noble caractère et d’une âme compatissante : « J’espère, lui dit-elle, que dans peu vous reverrez votre mari bien portant. » Au delà de la porte Dauphine, la foule s’entassait impatiente. Quand Marie-Caroline parut, un grand silence se fit parmi le peuple ; mais à peine s’était-elle éloignée de quelques pas, qu’on entendit comme un bruit confus de voix, de chuchottements, de murmures, sans qu’on pût savoir ni quel sentiment dominait cette multitude, ni à qui s’adressaient certaines rumeurs menaçantes sorties de son sein.

A dix heures, l’ancre était levée et le Bordelais voguait vers la mer. Deux barques furent aperçues qui suivaient le bateau à vapeur. Elles étaient montées par des personnes dévouées à Marie-Caroline, comme le montraient bien les bras levés en signe d’adieu et les mouchoirs blancs agités en l’air. Au large ! cria d’une voix rude le commandant du Bordelais. Mais, à l’instant même, de l’une des embarcations partit un paquet dont un cri désignait la destination, et qui alla tomber à quelque distance du général Bugeaud. C’était un fichu vert sur lequel était le portrait de Henri V. Le général Bugeaud, qui s’irritait des plus petites choses, laissa éclater une indignation puérile. Mais son autorité n’avait plus rien dont Marie-Caroline eût sujet de s’alarmer. Aussi sut-elle se dédommager, à l’égard de M. Bugeaud, d’une trop longue dissimulation ; et le général ne trouva plus chez elle et chez les personnes de sa