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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/246

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d’y monter ; que lui, qu’on accusait de tendre à une aristocratie nouvelle, que M. Odilon-Barrot, que chacun de ceux qui l’écoutaient, avaient acquis leurs grades à la sueur de leurs fronts et formaient une démocratie vivante ; qu’il savait combien étaient douces les faveurs de la popularité, et qu’il les avait entendus, lui aussi, les applaudissements de la multitude, mais qu’il leur préférait l’honneur d’inspirer confiance aux intérêts conservateurs, aux vrais intérêts du pays.

Pendant cette lutte sans profondeur et sans portée, mais qui tirait un grand éclat du talent des deux orateurs adverses, de la généreuse chaleur de l’un de l’émotion secrète de l’autre, des haines et des passions de tous, les ministres, le regard fixe, le corps immobile, paraissaient abattus et comme écrasés sous le sentiment de leur insuffisance. On les jugea perdus. « Le combat vient de se livrer sur leurs têtes » disait-on de toutes parts, au sortir de la séance. Et chacun d’attendre la décision de M. Thiers.

C’était lui, en effet, qui tenait entre ses mains la vie du ministère, puisqu’il disposait des voix du Centre Gauche. Le soir de la séance, il convoque ses amis. De quel côté penchera-t-on ? Les avis se partagent. Ceux-ci veulent qu’on profite de l’incapacité des ministres, qu’on leur livre bataille, qu’on les supplante. Ceux-là font observer que le Centre Gauche n’est pas encore assez voisin du pouvoir pour s’en emparer qu’en renversant M. Molé, on va pousser au faîte M. Guizot ; qu’il vaut mieux ajourner une victoire dont on n’est pas prêt à recueillir le profit. Mais, suivant M. Thil, tout pou-