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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/252

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ple de France n’a plus rien à semer dans l’épouvante ou dans la guerre ; et ses mœurs sont aussi douces qu’héroïques. On vous l’a peint certainement en proie au tourment d’une inquiétude immortelle avide de bruit, avide de mouvement, fatigué de son repos même, et ne pouvant souffrir ni la liberté ni la servitude. On vous a trompée. Le peuple de France a des joies bruyantes, mais qui cachent des pensées sérieuses ; il se livre quelquefois à des colères terribles, mais qui servent des projets persévérants et gigantesques ; l’apparente irrégularité de ses élans n’ôte rien à l’action constante de son génie. Seulement, fait pour les grandes choses, il lui faut des chefs qui le comprennent et qui le vaillent. S’il n’en rencontre pas de tels, il tombe et végète dans une alternative de langueur et de convulsions, jusqu’à ce que, retrouvant des guides dignes de lui, il ait repris à travers l’histoire sa marche féconde. De sorte que nos agitations, dont votre Europe s’effraie, ne sont que les manifestations d’une force mal comprise et follement combattue par ceux qui devraient la calmer en l’employant. Ah ! si vous pouviez le connaître, Madame, ce peuple tant calomnié au dehors ! Mais non. Entre vous et lui vont s’étendre des voiles qui déroberont à vos regards les trésors qui sont en lui, trésors d’esprit et d’enthousiasme, de vaillance et de dévouement. Ce que vous connaîtrez mieux, et trop tôt, c’est ce petit monde de la Cour où vous allez entrer. N’espérez pas retrouver ici les splendeurs du règne de certains rois, chevaliers ou héros. Les révolutions ont effacé les noms anciens sous des noms tout-à-fait inconnus ;