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Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/54

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gulièrement beau ses yeux bleus étaient pleins de tendresse, et sa physionomie présentait un singulier mélange de mélancolie, de grâce féminine et de fierté. On l’accablait d’invectives. Mais il ne laissait lire sur son front d’autre regret que celui d’avoir épuisé dans un vain effort toutes les puissances de sa passion ; sa contenance était assurée quoique modeste, un sourire grave animait ses lèvres, et il s’avançait calme sous l’injure. Un garde surveillant s’étant emporté jusqu’à lui arracher une poignée de cheveux, « voilà du courage, dit-il amèrement, vous êtes un brave. » Le premier qui s’était emparé de lui était un armurier nommé Devisme. « Je le connais, criait cet homme d’une voix troublée. Il se nomme Louis Alibaud. C’est moi qui lui ai fourni l’arme dont il vient de se servir… Malheureux ! c’était donc pour cet abominable usage… » Alibaud l’interrompit avec douceur et par une simple formule de politesse. Un colonel lui ayant dit: « Monstre ! je t’aurais donné du pain, si tu m’en avais demandé » son œil brilla d’un éclat terrible, et il répondit « Du pain ? je ne le mendie pas, je le gagne ; et celui qui m’empêche d’en gagner, je le tue. » Conduit à la Conciergerie, il y fut plongé dans le cachot qu’avait occupé Fieschi. On remarqua qu’il parcourait avec une distraction dédaigneuse les inscriptions que la vanité de son prédécesseur avait tracées sur les murs. Plus tard on put se convaincre qu’aucun désir de célébrité n’était arrivé jusqu’à lui. Triste, indomptable et résigné, il ne voulait pas se défendre, il voulait mourir.