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Page:Boccace - Décaméron.djvu/353

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« Ce que voyant et entendant la dame, elle le blâma tout d’abord d’avoir, pour donner à manger à une femme, tué un tel faucon ; puis elle admira profondément en elle-même sa grandeur d’âme que la pauvreté n’avait pu ni ne pouvait abattre. Enfin, tout espoir d’avoir le faucon étant perdu, et remplie de crainte pour la santé de son fils, elle s’en alla toute mélancolique et retourna vers l’enfant. Celui-ci, soit chagrin de n’avoir pas eu le faucon, soit que la maladie dût le mener là, mourut au bout de peu de jours, au grandissime chagrin de la mère. Quand elle fut restée quelque temps dans l’amertume et les larmes, comme elle était demeurée fort riche et qu’elle était encore jeune, ses frères la voulurent plus d’une fois contraindre à se remarier. Bien qu’elle n’eût pas voulu le faire, voyant cependant qu’ils insistaient, elle se rappela ce que valait Federigo et la dernière preuve qu’il lui avait donnée de sa magnificence, en tuant un si précieux faucon pour lui faire honneur, et elle dit à ses frères : « — Je resterais volontiers comme je suis, si vous y consentiez ; mais si pourtant il vous plaît que je prenne un mari, je n’en prendrai certainement jamais d’autre que Federigo Degli Alberighi. — » À quoi ses frères, se moquant d’elle, dirent : « — Sotte, qu’est-ce que tu dis ? Comment veux-tu de lui qui n’a rien au monde ? — » Elle leur répondit : « — Mes frères, je sais bien qu’il en est comme vous dites, mais j’aime mieux un homme qui ait besoin de richesse, que richesse qui ait besoin d’un homme. — » Ses frères, voyant sa résolution, et connaissant Federigo pour un homme de grande valeur, bien qu’il fût pauvre, lui donnèrent leur sœur, selon le désir de celle-ci, avec toutes ses richesses. Federigo, se voyant marié à une dame de ce mérite et qu’il avait tant aimée, et en outre très riche, devint plus économe et vécut en joie avec elle jusqu’à la fin de ses jours. — »



NOUVELLE X


Pietro di Vinciolo va dîner hors de chez lui. Sa femme fait venir un jeune garçon. Pietro étant revenu, elle cache le garçon sous une cage à poules. Pietro raconte qu’on vient de trouver chez Arcolano, avec lequel il soupait, un jouvenceau que sa femme y avait introduit. La dame blâme vivement la femme d’Arcolano. Par malheur, un âne pose son pied sur les doigts du garçon qui était sous la cage. Il crie, Pietro y court, le voit et reconnaît la fourberie de sa femme, avec laquelle il s’accorde pourtant afin de satisfaire sa vile passion.


Le récit de la reine était venu à sa fin, et tous louaient Dieu qui avait dignement récompensé Federigo, quand Dio-